Coup de gueule — Quand la journée de lutte pour les droits des femmes se trouve (encore) prétexte à la consommation… tout en enfermant bien la femme dans son devoir d’être belle.
Je ne suis pas une excitée du féminisme et des droits des femmes, et je ne m’offusque généralement pas de tout ce que beaucoup considèrent comme du « sexisme ordinaire ». Mais quand même, parfois, il y a des trucs qui m’énervent. Hier soir, 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes, j’ai reçu un mail de la rédaction du magazine Marie-Claire. Déjà je ne sais même pas comment ils ont mon adresse mail, mais passons. C’est surtout la teneur du mail qui m’a dérangée : « A l’occasion de la Journée internationale de la Femme, profitez d’une offre exceptionnelle : abonnez-vous à 2 magazines et recevez en cadeau 2 produits de beauté de Dr. Hauschka ».
OK. La journée de la Femme… Déjà ça c’est ridicule. Je ne vais pas vous refaire un couplet sur le fait qu’il n’y a pas de journée de la Femme (pourquoi y en aurait-il une ? Nous ne sommes pas une minorité ou une maladie, me semble-t-il), mais bien une journée de lutte pour les droits des femmes. Droit à avoir deux abonnements à Marie-Claire et des produits tonifiants ? Ou droit de vote, droit de choisir son mari, droit d’aller à l’école ? Chacun ses priorités, après tout… Mais même si nous vivons dans des pays où les droits des femmes sont globalement bien respectés (on reparlera de l’égalité salariale un autre jour, peut-être, mais en attendant, il y a des situation réellement dramatiques pour les femmes un peu partout dans le monde), il me semble un peu indélicat de réduire, une fois de plus, les femmes à des objets de consommation et de beauté. Attention, je ne dis pas que les femmes ne souhaitent pas être belles, ou qu’elles devraient cesser de le souhaiter pour arriver à l’égalité. Je dis simplement qu’offrir des produits cosmétiques un jour où on lutte pour nos droits et pour l’égalité, c’est un poil réducteur, et qu’il m’aurait semblé plus intéressant d’offrir un cours de self-défense ou autre chose d’un peu plus constructif.

Après, il y a l’aspect sur-consommation qui me dérange… Parce que non seulement il faut acheter DEUX abonnements, mais en plus, il faut toujours plus de produits de beauté, toujours plus de « lotions raffermissantes », « crèmes pour le corps », « gommage en profondeur », et autres joyeusetés. Le tout, bien sûr, dans des flacons en plastique non-recyclables. Les « rituels de soin » et autres « routines beauté » sont de plus en plus longs, de plus en plus complexes… et poussent les femmes à devenir toujours plus des consommatrices.
Bon, j’admets que les produits proposés ici sont bio, et produits dans un certain respect de l’environnement. Mais même, ça m’énerve toujours. J’ai un vrai problème avec ces marques bio qui font toujours plus de produits, qui poussent à toujours plus de consommation… Si on veut protéger l’environnement, on s’y prend différemment, à mon sens. Enfin bref. Je vais pas partir sur le capitalisme, vous allez me perdre sinon.
Du coup, j’ai envoyé un petit mail sympathique à la rédaction de Marie-Claire pour leur dire ma façon de penser, de façon très polie, hein, je vous rassure. Mais comme je me suis endormie là-dessus, ça m’a un peu fait cogiter toute la nuit (pitié, que quelqu’un débranche mon cerveau !) et donc je mets un peu tout ça à plat par ici.

Je pense que ce type de « dérives » est très fortement lié au fait que cette journée des droits de la femme n’est abordée que selon le prisme du droit des femmes à disposer de leur corps. On ne célèbre QUE Simone Veil, la pilule et le droit à l’IVG, alors qu’il y a tant d’autres choses dont on pourrait se réjouir dans l’avancée des droits des femmes ! Le droit de vote, le droit d’avoir un compte bancaire, la possibilité d’étudier, de pratiquer certains métiers qui nous étaient avant inaccessibles… Nous pourrions faire mémoire de Marie Curie, George Sand, Aliénor d’Aquitaine, Madeleine Allbright, Hannah Arendt, Maria Montessori, Eliska Junkova, et tant d’autres femmes qui ont fait changer la condition de la femme ! Et cela ferait réellement changer les choses. Peut-être cesserions-nous de continuer à ne voir la femme que sous l’angle de son corps, mais à admirer aussi ses capacités intellectuelles, à voir ce qu’elles ont apporté et apportent au monde.
Allez, bonne journée, hein ! Et merci de me supporter même quand je râle ! 😉
Jehanne
Merci pour ce nouveau pavé dans la mare. Consommez, consommez, il en restera toujours quelque chose !
C’est exactement ça… Toujours plus !
Merci Jehanne de mettre des mots sur ce sentiment d’exaspération qui me prend (nous prend ?) de plus en plus souvent ces derniers temps ! 🙂
Les offres que j’ai croisées n’était pas au sujet d’un abonnement à Marie-Claire, mais en effet, quelque chose de l’ordre de produits de beauté (ou de soins en spa…) bref quelque chose d’éminemment accessoire, et poussant à la dépense par l’obligation d’acheter autre chose pour en bénéficier. Tout cela, sous l’étiquette « journée de la femme », projetait désagréablement l’image d’une femme faite pour dépenser son argent en futilités. Les marques devraient y réfléchir à deux fois…
Mais c’est exactement ça ! Comme si TOUT ce qui pouvait nous intéresser était de toujours plus nous pomponner. Offrez-nous des livres, des places de concert, des entrées au musée !